Avocat à Nantes – Me Cottineau Droit des victimes & divorce

Peut-on juger Facebook pour avoir censuré « L’Origine du monde » de Courbet ?

Peinture : "L'origine du monde" de Gustave Courbet

Facebook a été assigné en justice par un internaute qui lui reproche d’avoir censuré son compte où il avait affiché le tableau « L’Origine du monde » de Gustave Courbet représentant un sexe féminin…

La volonté de censure se niche – aussi – au sein des organisations et sociétés qui s’affirment parmi les plus libérales. A l’heure où, avec le drame à Charlie Hebdo, le débat sur la censure dans la presse revient avec violence dans l’actualité, le réseau social Facebook plaide ouvertement pour une censure des publications de ses membres.

Le géant américain, assigné en justice par un internaute qui lui reproche d’avoir censuré son compte où il avait affiché le tableau « L’Origine du monde » de Gustave Courbet représentant un sexe féminin, a demandé jeudi au TGI de Paris de se déclarer incompétent.

L’avocate du géant américain Caroline Lyannaz a fait valoir à l’audience que l’internaute avait accepté en s’inscrivant sur le site les conditions générales d’utilisation prévoyant qu’en cas de litige, seul un tribunal de l’État de Californie, où siège l’entreprise, est compétent.

Me Lyannaz a également réfuté l’idée que le réseau social puisse relever du droit de la consommation français car, a-t-elle fait valoir, « le service est gratuit » et c’est l’internaute qui prend l’initiative d’ouvrir un compte.

La décision a été mise en délibéré au 5 mars.

 

Des clauses de Facebook « noyées » et « en petits caractères »

« Si je comprends bien et si l’on suit votre logique, aucun des 22 millions d’usagers de Facebook en France ne pourra jamais saisir une juridiction française civile en cas de litige », a lancé l’avocat de l’internaute, Stéphane Cottineau, invoquant « une clause abusive« .

L’avocat a rappelé que la cour d’appel de Pau avait débouté Facebook dans un dossier comparable en constatant notamment que les « clauses attributives de compétence » étaient « noyées dans de très nombreuses dispositions (…) en petits caractères ».

L’arrêt, rendu le 23 mars 2012, soulignait également que ces dispositions arrivaient au terme d’une « lecture complexe de douze pages » en version papier, encore plus difficile à lire sur un ordinateur ou un téléphone portable, et qu’il suffisait « d’une simple et unique manipulation (…) et non d’une signature électronique pour obtenir le consentement de l’internaute ». Il constatait enfin que la version n’était disponible qu’en anglais.

L’avocate de Facebook a précisé que les conditions générales étaient depuis disponibles en français et que, de toute façon, le plaignant parlait anglais contrairement à l’internaute de Pau. « Et, si l’on considère qu’un contrat qui fait plusieurs pages ne peut être lu par un internaute, cela veut dire que tous les contrats conclus sur internet sont inopérants« , a-t-elle lancé.

Me Cottineau a assuré pour sa part que la version du contrat disponible sur Facebook lorsque son client a lancé la procédure en 2011 était encore en anglais.

 

Le plaignant s’est senti associé à des pratiques indignes

Il a également souligné que la cour d’appel de Pau, sans trancher la question de la compétence du droit de la consommation français, avait estimé que Facebook ne pouvait « contester que le traitement et l’exploitation des données informatiques » était une source très importante du financement de ses activités et, dès lors, que la prestation de service qu’elle fournissait à ses utilisateurs avait bien une contrepartie financière ».

Son client a vu son compte désactivé par « une censure aveugle » la veille de son anniversaire et estime en conséquence avoir subi un préjudice, d’autant que ses courriels de réclamation sont restés sans réponse, a dénoncé Me Cottineau.

Il « s’est senti associé à une personne qui ne serait pas digne de considération ou qui aurait des moeurs ou des pratiques interdites par la loi« , a ajouté l’avocat rappelant que son client, « homme droit, cultivé et très attaché à la transmission du savoir » est instituteur et père de trois enfants.

La photo du tableau de Courbet renvoyait à un lien permettant de visionner un reportage sur l’histoire de ce tableau diffusé sur la chaîne de télévision Arte.

« Facebook ne fait pas la différence entre ce qui est de la pornographie et une oeuvre d’art incontestable montrée aux enfants tous les jours au musée d’Orsay« , regrette l’avocat, qui espère faire reconnaître la compétence du juge français pour statuer sur ce litige.

A noter que la censure sur le web n’est évidemment pas l’ouvre du seul Facebook. D’autres géants du net la pratiquent lus ou moins régulièrement et plus ou moins ouvertement. Nous l’avons déjà constaté par exemple, pour le même tableau du même peintre, sur blogger, sur la plate-forme de blog de Google, qui avait inopinément retiré l’illustration de l’article.

 

Article de presse paru dans le journal Les echos 
SOURCE AFP | Publié le 
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