Avocat à Nantes – Me Cottineau Droit des victimes & divorce

Article du journal Le Monde : La Justice peut juger Facebook en France

Le Monde Logo

Facebook Jugement

Fin de partie juridique pour Facebook. Le réseau social américain affirmait n’avoir aucun compte à rendre aux tribunaux français en matière de litiges avec ses utilisateurs, la justice en a décidé autrement.

La cour d’appel de Paris a en effet estimé, vendredi 12 février, que la justice française était bien compétente pour juger l’entreprise de Mark Zuckerberg.

Poursuivi en justice depuis près de cinq ans par un enseignant, Facebook maintenait n’avoir de comptes à rendre qu’aux tribunaux américains, en s’appuyant sur une clause de ses conditions d’utilisation qui affirme que seuls les tribunaux de l’Etat de Californie sont compétents en cas de litige.

L’avocat du plaignant, MStéphane Cottineau, plaidait que cette clause créait « un déséquilibre » puisqu’il est difficile pour un utilisateur français d’aller poursuivre en justice une entreprise aux Etats-Unis.

L’affaire a démarré en février 2011, lorsqu’un utilisateur de Facebook a vu son compte désactivé, au motif qu’il avait publié sur son profil le tableau L’Origine du monde, de Gustave Courbet, représentant un sexe féminin – et contrevenait ainsi aux règles d’utilisation du réseau social. L’internaute avait alors assigné en justice l’entreprise quelques mois plus tard pour atteinte à la liberté d’expression, et demandé la réactivation de son compte. L’entreprise avait alors répliqué que ce litige devait être réglé devant un tribunal californien.

En mars 2015, le tribunal de grande instance de Paris avait jugé en première instance cette clause des conditions d’utilisation « abusive », et le géant du Net avait fait appel. C’est cette ordonnance du 5 mars que vient de confirmer vendredi la cour d’appel.

Il avait été relevé durant les audiences que Facebook disposait des moyens de se défendre à l’international, disposant par ailleurs de bureaux français, et qu’il était au contraire plus difficile pour un particulier d’aller porter une affaire devant un tribunal étranger.

 

Une semaine difficile

Cet arrêt de la cour d’appel pourrait concerner la plupart des réseaux sociaux et services numériques américains. « C’est une décision qui à mon avis va faire date. Elle va obliger Facebook à supprimer cette clause, mais aussi tous les services américains qui l’utilisent », estime Me Cottineau. Interrogé sur la possibilité d’une nouvelle réplique de Facebook, l’avocat du plaignant relativise : « Ils sont inventifs, mais ils sont bloqués. Ils peuvent se pourvoir en cassation, mais ça n’est pas suspensif. » Pour l’avocat, c’est aussi « une décision qui est un sursaut de souveraineté des juridictions françaises » face aux mastodontes d’Internet.

Les audiences sur le fond devraient reprendre, et se concentrer à partir de maintenant sur un sujet bien plus épineux : la modération de Facebook. Selon Me Cottineau, l’audience définitive pourrait bien avoir lieu dans le courant de l’année.

La semaine a été difficile pour Facebook. Mardi 9 février 2016, ses conditions d’utilisation ont été dénoncées par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). « Le pouvoir discrétionnaire de retirer des contenus ou informations publiés par l’internaute »et « le droit de modifier unilatéralement ses conditions d’utilisation sans que l’internaute en soit informé préalablement ou en présumant son accord » ont notamment été épinglés par l’autorité, qui donne deux mois pour supprimer ces clauses qui créent selon elle « un déséquilibre ».

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a également épinglé le réseau social et lui a donné trois mois pour se conformer à la législation française sur la protection des données, faute de quoi il écopera d’une amende qui pourra s’élever jusqu’à 150 000 euros. Sont entre autres pointés le tracking des internautes même lorsqu’ils ne sont pas inscrits et la collecte de données relatives à la sexualité et à la religion des utilisateurs, ou encore à leurs opinions politiques.

Enfin, le géant de la Silicon Valley a subi un revers important en Inde en début de semaine, avec la confirmation par les autorités de l’interdiction de Free Basics, son offre low cost d’Internet mobile qui donnait accès à un nombre limité de services et d’applications, soulevant l’indignation des défenseurs de la neutralité du Net, au nom du principe d’accès égal et non discriminé à Internet.

Article paru sur le Journal Le Monde.fr  avec AFP |  • Mis à jour le  | Par Florian Reynaud - Journaliste au Monde

 


 

Quitter la version mobile