Qu’est-ce qu’un pesticide ?
27 juin 2010Un juge sourd aux craintes d’excision de Laïla, 8 ans. Il a ordonné son retour en Egypte. La mère et la fille sont en fuite.
Laïla, 8 ans, rentrera-t-elle au Caire ? Cette petite Egyptienne, qui vit depuis trois mois à Nantes chez sa mère, Sérénade M. , refuse de retourner dans la capitale égyptienne, où elle est élevée par sa famille paternelle. L’enfant a raconté que, là-bas, sa grand-mère allait la faire exciser. Du coup, la mère, remariée à un Français dont elle a trois enfants, a demandé à la justice française que la résidence principale de sa fille lui soit attribuée. Sourde oreille.
Le juge des affaires familiales du tribunal de Nantes, saisi en référé fin octobre, ne l’a pas écoutée. Il a ordonné le renvoi immédiat de Laïla en Egypte, sans se prononcer sur le droit de garde, et sans entendre la fillette pour juger de son discernement ou des influences dont elle pourrait faire l’objet.
Selon l’avocat de l’enfant, Stéphane Cottineau, elle voulait dire son souhait de rester avec ses demi-frères, et sa peur de la «grand-mère égyptienne qui veut [lui] faire une opération». Or, la convention des droits de l’enfant ne prévoit pas d’âge minimum, donnant à «tout enfant capable de discernement» le droit d’être entendu dans une procédure le concernant. Ni la vie au Caire partagée entre la grand-mère et les arrière-grands-parents, ni la menace de l’excision n’ont été examinées par le juge des affaires familiales, qui reconnaît pourtant que «la difficulté réside dans l’absence d’une décision judiciaire ayant statué sur la garde de Laïla».
Selon l’avocat de l’enfant, «le juge a appliqué un article de la convention judiciaire franco-égyptienne qui considère que, si une décision existe déjà dans un des deux pays, on ne peut lui opposer un autre jugement. Or, la seule décision prise en Egypte, le divorce, ne mentionne même pas l’existence de l’enfant». Fuite.
Le lendemain de la décision ordonnant la reconduite de l’enfant en Egypte, un groupe de quatre hommes a tenté de pénétrer au domicile de Sérénade M. pour emmener Laïla. La tentative a échoué. Mais, le 1er décembre, la mère a été mise en examen pour non-présentation d’enfant, contrainte à un contrôle judiciaire strict, avec interdiction de s’absenter plus de vingt-quatre heures de chez elle et pointage au commissariat de son quartier.
Résultat: Sérénade est partie se cacher avec Laïla. Dans l’attente de l’arrêt, le 14 décembre, de la cour d’appel de Rennes, qui examinera le recours contre la décision de reconduite à la frontière. «Affabulation.» Au début de l’affaire, lorsque le père, Amr Kh., est venu devant le juge nantais, il a qualifié de «pure affabulation» la menace d’excision. Consultant international de droit privé, il appartient à «une famille évoluée», selon son avocat, Me Mohammed el-Accad, qui affirme que «l’excision n’existe plus en Egypte» depuis qu’une loi y «condamne ces pratiques assimilées à des coups et blessures volontaires sur personne vulnérable».
Reste qu’entre le nouveau cadre légal et les usages familiaux, le fossé demeure : 94% des fillettes égyptiennes en milieu urbain, et 99,5% en campagne, subissent toujours cette ablation du clitoris, selon des chiffres émanant du gouvernement égyptien et publiés en 1997.
Publié dans le journal Libération le